Vilhelm Moberg – Dans la Forêt du Minnesota

Titre original : Invandrarna

Mon appréciation : dans son ENSEMBLE, cette saga vaut un 10/10

Dans ce quatrième tome, le groupe de suédois arrive donc « dans la Forêt du Minnesota », à Taylor Falls.

Taylor Falls est en fait un tout petit, non, un minuscule groupement d’émigrants, dont Anders, le fils de la vielle Fina-Kajsa. Cette dernière déchante dès son arrivée, elle, qui pensait arriver dans une vaste propriété : la ferme de son fils n’a de ferme que le nom !

Anders n’est pas un homme très travailleur et contrairement à ce qu’il a laissé entendre dans ses courriers, il n’a pas mis à profit ses terres et il est loin d’être propriétaire d’une grande ferme, qui n’est, en réalité, rien d’autre qu’une petite cabane. Sa mère a beaucoup du mal à l’accepter, mais elle n’a pas le choix.

Les immigrants apprennent qu’ils pourront profiter d’une possibilité extraordinaire : ils pourront devenir des squatters : ils poseront un claim sur 130 âcres de terre, défricheront et travailleront cette terre, et lorsqu’elle sera mise en vente ils auront la priorité. Ce qui signifie qu’il est possible qu’ils n’auront à payer leur terre que quelques années plus tard ! Cela laissera le temps aux uns et aux autres de s’installer et gagner suffisamment d’argent, bref, de créer un foyer sans tarder et de profiter véritablement et sans réelle pression de leur travail. 

Cette opportunité tombe à point nommé pour Karl Oskar et Kristina car l’argent tiré de la vente de leur ferme au Smâland a bien diminué : le voyage était plus long et plus couteux que prévu ! Karl Oskar n’a plus rien, même pas assez pour acheter une vache – pourtant indispensable pour passer l’hiver.

Les hommes partent donc pour déterminer l’endroit où ils construiront leur foyer. Tandis que Danjel et Jonas Petter s’installent sur le premier terrain accueillant, Karl Oskar poursuit ses recherches et choisira finalement un terrain un peu à l’écart du groupe, au bord d’un magnifique lac, le Ki-Chi-Saga (« beau lac » dans la langue des indiens).

Il arrive là ou jamais personne n’avait mis les pieds !

Lui et les autres immigrants s’entre-aideront pour construire leurs habitations respectives, mais la famille de Karl Oskar est bien isolée, puisque la prochaine ferme est à une heure de distance.

Karl Oskar se met au travail, construisant une maison de bois, préparant ce qu’il peut avant l’arrivée de l’hiver. Et il est heureux car il est chez lui, il construit l’avenir de sa famille.

Seulement, l’hiver s’annonce rude, puisqu’ils n’ont aucune réserve, aucune récolte, ni même une vache pour leur donner du lait, et Karl Oskar n’aura pas beaucoup de temps pour construire un abri convenable pour contrer le froid.

Son frère Robert, de son coté, n’est pas satisfait. Il n’est pas arrivé à destination. Il ne rêve que d’une chose : partir encore pour aller chercher de l’or. Il a croisé des hommes qui se dirigeaient vers les champs aurifères de Californie et lui-même entend l’appel de ce métal précieux. Il ne souhaite pas travailler la terre et ne comprend pas son frère. Quel intérêt ? Arvid, fidèle compagnon, écoute ses histoires sur l’or qu’on n’a qu’à ramasser en Californie avec de grands yeux. Cela semble si fantastique ! C’est cela qu’ils souhaitent faire, mais l’hiver interdit tout voyage et ils seront contraint de demeurer auprès des leurs au moins jusqu’au dégel.

Les femmes se préparent également à l’hiver. Kristina est désormais très proche d’Ulrika, qui est devenue son amie intime et l’aidera d’ailleurs à mettre au monde son enfant.

Danjel est plus serein. Il a abandonné sa religion farouche et se contente d’être un homme pieux, préparant l’hiver ensemble avec Jonas Petter. Ce dernier a prévu de construire sa propre habitation après l’hiver, demeurant en attendant avec son voisin.

Les pionniers suédois arrivent ainsi dans un territoire étranger, peuplé auparavant par les indiens. Ces hommes à la peau cuivrée les intriguent d’ailleurs, puisque leur mode de vie est si différent du leur. Ils en croisent régulièrement et sont d’abord assez effrayés face à ces hommes étranges, mais ils s’aperçoivent rapidement que les indigènes ne semblent aucunement hostiles.

 

Ce quatrième tome est si plein de rebondissement qu’on a du mal à le lâcher. On dévore les pages, c’est un plaisir de découvrir avec ce petit groupe l’Amérique tel qu’il était avant que l’Homme Blanc ne foule cette terre.

Toutes ces difficultés, mais aussi tous ces rêves qui n’attendent que de s’épanouir dans le Nouveau Monde !

On découvre la faune et la flore, tout est si différents de ce que les Suédois connaissaient – ils prennent un putois pour un chat !

La naïveté des pionniers est touchante et leur courage impressionnant. Mais, en fait, ils ne sont naïfs que de notre point de vue, car à l’époque ils étaient simplement intrépides, comment aurait-ils pu connaître ce monde si différent ?

Il faut simplement se l’imaginer : ils arrivent en plein milieu d’une forêt, là où il n’y a rien, la ville à des journées de trajet, et c’est ici qu’ils se disent : voilà, on vivra ici. Ils posent leur baluchon dans une clairière au bord d’un lac en décidant que tel sera leur foyer.

C’est si impossible, en fait, et pourtant, ils s’y installent ! L’année 1851 s’annonce difficile !

Cette immense aventure est vécue par des gens simples mais solidaires. Leur petit groupe est soudé et ensemble ils affronteront tous les obstacles.

Ce qui est le plus difficile à supporter pour Karl Oskar, c’est sa pauvreté. C’est lui qui a dans ses poches le moins de cash et personne ne lui fait crédit. Il arrive démuni dans un pays étranger dont il ne connaît même pas la langue. C’est un coup dur pour lui. Ainsi, lorsque la première missive arrive de Suède pour leur donner des nouvelles très attendues de leurs parents, Karl Oskar ne dispose pas des quinze cents nécessaires pour payer le port, la lettre n’ayant pas été suffisamment affranchie !

Dans ce volume, il y a aussi un instant hilarant : la rédaction de l’Almanach pour l’année 1851 par Robert. Je n’ai pas pu m’empêcher de rire en lisant ces quelques lignes, pourtant, on sent bien que Robert y a réfléchi et tente de partager ses connaissances. Le regard que posent les pionniers sur leur nouveau pays est attendrissant et on ne peut que s’étonner qu’ils aient pu y survivre – mais il est si facile de le dire avec le recul et plus de 150 ans plus tard !

Je me permets de vous citer deux petites phrases au sujet des indiens qui traduisent parfaitement ce regard innocent porté sur le monde nouveau qui les entoure : «… Si on veut les tuer (les indiens), ils résistent parfois obstinément et attaquent les colons blancs……» ; « Les Indiens sont païens mais ils ne mangent pas les humains, comme les païens le font souvent par ignorance… ». 

En cette fin d’année, les pionniers s’apprêtent donc à passer leur premier hiver dans le Minnesota, au fond d’une cabane en bois près du lac Ki-Chi-Saga.

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